Le maître d’œuvre commet une erreur de conception en négligeant d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur la nécessité de commander et de financer les études géotechnique
CAA Lyon, 03-04-2025, 23LY01584 , Société SIOAH
Par jugement du 9 mars 2023, le tribunal a condamné in solidum la société Maïa Fondations et la SIOAH à verser à la communauté de communes « Porte de Drôme Ardèche » la somme de 133 183,20 euros HT, a condamné la société Maïa Fondations et la SIOAH à se garantir mutuellement de la moitié de la condamnation prononcée à leur encontre, et a condamné la société Maïa Fondations à verser à la collectivité la somme de 43 907,16 euros au titre des pénalités contractuelles.
Concernant la problématique liée à la conception de l’ouvrage, la cour va rappeler que la SIOAH « a été chargée, non seulement des missions d'assistance au maître de l'ouvrage pour la passation des contrats de travaux, des études d'exécution et de la direction de l'exécution, mais également d'une étude de faisabilité (…) et d'une mission d'avant-projet comportant l'analyse des données disponibles de façon à déterminer les contraintes techniques liées au site et au Rhône et l'étude de solutions à déterminer en fonction de ces contraintes techniques ». La cour poursuit en indiquant que la société SIOAH « s'est abstenue de s'assurer de la nature du milieu d'implantation des ducs et des contraintes liées à ce dernier et, notamment, de l'existence d'enrochements faisant obstacle à l'enfoncement des tubes. Elle s'est en outre abstenue, alors qu'elle en avait la charge, de conseiller au maître de l'ouvrage d'effectuer des recherches complémentaires afin de s'assurer de la faisabilité de l'option de fonçage simple. Enfin, elle a négligé d'avertir le maître de l'ouvrage des risques que comportait la solution du vibro-fonçage envisagée par l'entreprise après l'échec de la première tentative d'implantation et des précautions à prendre pour éviter de détériorer le perré, alors que son attention avait été attirée sur la fragilité du perré ».
Par conséquent, pour la cour, « la SIOAH n'est pas fondée à soutenir qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans l'exercice de ses missions de conception de maîtrise d'œuvre ».
Pour tenter de limiter sa responsabilité, la maîtrise d’œuvre a essayé d’invoquer la méconnaissance par la communauté de communes de la norme NF P 94-500 qui encadre les études géotechniques qui doivent être exécutées lors de la réalisation d’un projet. Cette norme précise, ainsi, qu’en cours de projet, quatre missions successives géotechniques (G1 à G4) doivent être réalisées, trois pour le compte du maître d’ouvrage (G1,G2 et G4) et une pour le compte de l’entreprise (G3). Les missions G1, G2, G3 et G4 doivent s’enchaîner et doivent donc toutes être réalisées (article 4.2 de la norme). Toujours, selon cette norme, le maître d’ouvrage doit s’assurer de la réalisation de ces quatre missions géotechniques. L’article 4.2.4 de la norme précise, ainsi, que « le maître d’ouvrage (…) doit faire réaliser successivement chacune de ces missions par une ingénierie géotechnique ».
En utilisant ces articles de la norme, l’équipe de maîtrise d’œuvre soutenait que la collectivité était responsable du sinistre puisqu’elle n’avait fourni aucune étude géotechnique portant sur le site. La cour va fortement relativiser la portée de cet argument, et c’est le principal intérêt de cet arrêt. La cour considère, en effet, en abordant une lecture littérale de la norme, que la collectivité n’a pas l’obligation de fournir en début de projet les études géotechniques préalables. La cour juge, ainsi, que la « norme (…) se borne à prévoir que les études géotechniques préalables doivent être financièrement prises en charge par le maître de l'ouvrage ». Dès lors, toujours selon la cour, « la norme n'exonère pas le maître d'œuvre de sa mission qui implique, notamment, qu'il conseille, en tant que de besoin, au maître de l'ouvrage d'effectuer de telles études préalables ».
Concernant, ensuite, le montant de l’indemnité à allouer au maître de l’ouvrage, la cour rappelle le principe d’indemnisation qui trouve à s’appliquer dans une telle situation, à savoir que « la faute résultant de l'inexécution par le titulaire de ses obligations contractuelles ouvre droit pour le maître de l'ouvrage à l'indemnisation de l'ensemble des travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme aux prévisions du marché ».
Ce qu'il faut retenir