Dans le cadre du renouvellement d’un marché public, le titulaire sortant doit communiquer au pouvoir adjudicateur l’ensemble des informations essentielles à l’élaboration de leurs offres par les candidats et qu’il est seul à connaître.
Par une décision du 11 janvier 2023, la Cour de cassation précise l’étendue de l’obligation d’information en matière de reprise de salariés qui s’impose au titulaire sortant dans le cadre d’une procédure de renouvellement d’un marché public.
En l’espèce, dans le cadre du renouvellement d’un marché de collecte des déchets d’une commune, était prévu que le nouveau titulaire reprenne les salariés du titulaire sortant, dans les conditions qui leur étaient applicables au moment du changement de titulaire.
Le marché a été attribué le 15 novembre 2013 à la société Veolia et une de ses filiales, et prévoyait un début d’exécution des prestations le 22 juin 2014. Entre la date d’attribution du contrat et celle du début de son exécution, les entreprises titulaires sortantes ont conclu, dans le cadre d’un processus d’harmonisation des salaires en cours depuis 2011, des accords ayant pour effet d’augmenter les salaires et d’y intégrer des primes et indemnités avec effet différé jusqu’au mois de mai 2014. Les nouveaux titulaires, estimant être victimes de pratiques déloyales, ont assigné les titulaires sortants en réparation.
La Cour de cassation confirme tout d’abord l’arrêt de la cour d’appel de Paris en ce qu’elle a relevé qu’aucune disposition légale, réglementaire ou contractuelle interdisait au titulaire sortant de consentir une augmentation des salaires et autres avantages, et que ces augmentations ont concerné tous les salariés, et pas seulement ceux repris par les nouveaux titulaires. Par conséquent, ces augmentations ne constituent pas un acte de concurrence déloyale ou un abus de droit.
Toutefois, les juges de cassation infirment la solution d’appel sur l’étendue de l’obligation d’information que se doit de respecter le titulaire sortant en matière de reprise des salariés.
En effet, la Cour d’appel avait considéré que le CCAP applicable au litige imposait uniquement au titulaire sortant de communiquer au pouvoir adjudicateur « les données relatives aux personnels permanents employés à l'exécution des prestations du […] marché », c'est-à-dire « au minimum l'état quantitatif et qualitatif des personnels et masses salariales correspondantes », et qu’il n’était pas tenu de l’informer spontanément des évolutions possibles de la masse salariale.
Or, la Cour de cassation juge que les règles de publicité et de mise en concurrence imposent au titulaire sortant de fournir au pouvoir adjudicateur, dans le cadre du renouvellement d’un marché soumis à appel d’offres, les informations essentielles à l’élaboration de leurs offres par les candidats et qu’il est seul à connaître.
En l’espèce, dans le cadre d’un marché prévoyant une obligation de reprise du personnel par le nouvel attributaire, le titulaire sortant doit communiquer au pouvoir adjudicateur les éléments qu’il est le seul à connaître relatifs aux évolutions prévues de la masse salariale.
Cette communication d’informations est obligatoire, y compris en l’absence de demande expresse du pouvoir adjudicateur sur ce point.
En s’abstenant de communiquer des éléments essentiels à l’élaboration des offres par les candidats, le titulaire sortant a violé les règles de publicité et de mise en concurrence, ce qui engage sa responsabilité pour faute, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, à l’encontre des candidats.
En n’ayant pas connaissance des augmentations de salaire prévues, le nouvel attributaire a en effet subi un dommage, puisqu’il n’a pu adapter son offre au coût de la masse salariale à reprendre.